samedi 8 septembre 2012

Analyse critique de la méthode HAY


Nous engagerons ici une analyse critique de la méthode HAY .

La technique d'évaluation de la méthode HAY a deux principes: l'analyse par une série de critères et la progression géométrique. Les huit critères HAY servant à l'analyse sont rangés dans les trois grandes rubriques suivantes :

1. Compétence : connaissances/ management/ relations humaines 

2. Initiative créatrice : cadre de la réflexion/ exigence des problèmes (qui se présente comme un % de la Compétence) 

3. Finalité : liberté d'action/ ampleur du champ d'action/ impact du poste sur le champ d'action

La progression des degrés dans chaque rubrique se mesure par saut de 15%. C'est une progression dite de type géométrique. En voici un exemple : 
100   115   132   152   175   200   230   264   304   350   400

L'analyse s'opère de façon à affecter à chaque rubrique un nombre de points. La cotation du poste est obtenue par l'addition des points de chacune des rubriques. 

Par exemple, la "Compétence" sera dite valoir 200 points. En ajoutant 66 points d'"Initiative Créatrice" et 100 points de "Finalité" aux 200 points de Compétence, on obtient une fonction cotée à 366 points.

Une remarque importante est à faire : la technique HAY compare les fonctions en les décomposant en critères distincts. Elle ne procède donc pas selon une comparaison globale d'une fonction par rapport à une autre. On ne dira pas : "la fonction X vaut plus que la fonction Z" mais plutôt "si la compétence de la fonction X vaut plus que la compétence de la fonction Z, par contre l'Initiative Créatrice est plus forte pour Z que pour X".

L'opération d'évaluation se ne fait pas seulement à partir des activités du poste. Il s'agira d'harmoniser deux types de cohérence : la cohérence "externe" des niveaux de finalités entre les différentes fonctions et, à l'intérieur d'une même fonction, la cohérence "interne" entre finalités à atteindre, problèmes à résoudre, et compétences nécessaire.

La méthode HAY propose une cohérence interne pour une fonction donnée. Ainsi une réflexion guidée par une semi-routine est le propre d'une fonction occupée par un employé ayant un niveau CAP ou BAC complété par de l'expérience professionnelle. Il n'est donc pas étonnant que cette semi-routine soit encadrée par un contrôle régulier de l'avancement du travail.

La recherche de cohérence va au delà de la recherche abstraite de la "bonne cotation"; elle peut amener les groupes d'évaluation à proposer d'autres formes de regroupement des activités, avec leurs conséquences sur l'organigramme général de l'entreprise.
1er examen critique : identifier dans la créativité ce qui fait la valeur ajoutée économique d'une fonction

Un procès est couramment fait à la méthode HAY : les fonctions valorisées sont celles qui font "le chiffre d'affaires" ou qui se laissent réduire à une mesure financière. Nous insisterons pour notre part sur l'autre dimension financière classique : la marge dégagée une fois que tous les coûts de revient ont été réduit. La méthode HAY modélise la marge par l'importance donnée à la Créativité.

A y regarder de près, la dimension économique d'une fonction se mesure par son degré de créativité. Quel est le raisonnement ? A la base, les fonctions nécessitent plus ou moins de connaissances scolaires et professionnelles, de capacités à manager et de qualités relationnelles. D'autre part, ces compétences seront plus ou moins mobilisées selon un pourcentage d'Initiative Créatrice exigée par la fonction. Ce pourcentage représente la complexité des problèmes à traiter dans un cadre de réflexion plus ou moins large. C'est là où se fait l'innovation, la compétitivité, la valeur ajoutée.

Travailler mieux, c'est à la fois optimiser les ressources qui sont accordées dans le budget, et améliorer les performances, donc augmenter les recettes, et par là la marge. La valeur ajoutée économique d'une fonction, au contraire du préjugé immédiat, ne se mesure pas selon le montant d'un chiffre d'affaire ou d'un budget. La valeur ajoutée résulte d'une compétence investie dans une innovation technologique ou organisationnelle, qui se déploie selon des projets, des démarches, des plans d'actions.

En liant les critères de Compétences avec les critères d'Initiative Créatrice, par le biais d'un pourcentage, la méthode HAY a le mérite d'évaluer, à coté d'une approche "chiffre d'affaires" l'apport en innovation et la valeur ajoutée économique. Chacun quelque soit sa place dans l'organisation, prend sa part dans ce qui apparaîtra à terme comme la performance financière globale de l'entreprise.
2ème examen critique : une méthode de management n'est pas exclusive d'un niveau hiérarchique

A bien voir ce qu'elle valorise, la Finalité HAY est de nature organisationnelle. Elle mesure un plus ou moins grand "effet de levier" des différents types de fonction entre elles, en donnant le primat à la responsabilité opérationnelle :

* encadrement opérationnel(IV) 

* coopération partagée (III) 

* conseil et assistance (II) 

* mise en forme de l'information(I)

Cet effet de levier résulte du couplage entre les critères : "Impact sur la production des résultats" / "autonomie d'action". 

L'impact est-il opérationnel, partagé ou seulement d'assistance ? L'autonomie est-elle maximum ou bien limitée ? Quelle est la nature et l'ampleur des décisions prises dans la fonction ?

Cet effet de levier est modulé sur la base d'un échelonnement des niveaux de chiffre d'affaires ou de budgets de fonctionnement. 

De nombreuses objections ont été faites à la validité générale de la mesure financière : elle ne serait valable que pour certaines fonctions, où la dimension financière est évidente, mais en aucun cas pour toutes les fonctions. En fait, si la Finalité HAY mesure la capacité d'agir sur l'organisation, cela signifie que le pouvoir lié à une fonction se justifie par l'ampleur des ressources qui sont en jeu, ampleur transposé en un équivalent monétaire.

Pour les fonctions opérationnelles, ces ressources se mesurent par le chiffre d'affaires obtenu. Pour les fonctions d'assistance, la Finalité HAY se mesurera selon le budget correspondant à un service à fournir, une procédure à appliquer, un équipement à faire tourner. En résumé, le discours tenu par la méthode HAY revient à dire :

"Si la contribution économique que nous apportons à l'entreprise correspond à la créativité que nous pouvons développer, le pouvoir que nous avons correspond aux ressources que nous gérons directement ou indirectement".

Par cette formulation HAY est fidèle au principe d'organisation de l'entreprise classique, où l'autonomie du responsable est en raison inverse de la spécialisation du subordonné. Plus l'on est généraliste, plus l'organisation est censée accorder de la délégation, de la liberté d'action et de l'autonomie.

Si l'approche de la valeur ajoutée par la créativité est intéressante, par contre nous ne suivons pas la méthode HAY lorsqu'elle pose que plus il y a à manager des enjeux divers, plus cela exige un fort niveau hiérarchique. A suivre la méthode HAY, dès qu'une fonction doit obtenir des résultats de plusieurs fonctions ayant des logiques différentes, elle doit être positionné à un niveau hiérarchique supérieur N+1. Cela est vrai pour les fonctions opérationnelles, qui délèguent du pouvoir aux fonctions qui leur sont subordonnées.

Cela n'est plus concevable pour les fonctions qui, en étant transversales à l'entreprise, obtiennent le concours de l'ensemble des Directions. Les méthodes d'anticipation, de diagnostic, de construction et de suivi de plans d'action, de mise en place de procédures partagées, etc.. ne sont pas l'apanage des seules fonctions opérationnelles ou en contact avec le client. De même, les méthodes les plus savantes en management sont pratiquées dans toutes les entreprises à des niveaux plus bas que les niveaux de Direction.

On voit ainsi que la méthode HAY n'est plus adaptée aux évolutions récentes des entreprises où les compétences complexes ou créatives ne sont plus l'apanage des plus hautes fonctions. En fait, nous assistons à un découplage entre la compétence et le pouvoir d'agir sur l'organisation. C'est précisément ce découplage qui ouvre un espace de gestion muni d'alternatives entre lesquelles il y a à choisir :- à une compétence très créative peut être accordée des degrés divers de pouvoir d'action sur l'organisation - à un fort pouvoir d'action sur l'organisation peut correspondre des compétences allant du respect des épreuves habituelles à la construction d'épreuves inédites.

Il n'y a pas de réponse générale à ces alternatives. Ce qui décide du dosage est la nature même de la compétence utilisée dans un environnement donné. Dans une mission, un expert très calé peut très bien n'avoir que peu de pouvoir, et c'est précisément la faible marge d'autonomie qui oblige à développer une réponse "futée". Inversement, une mission de restructuration peut très déboucher sur une série d'activités très classiques, dont la succession dans le temps est elle-aussi très classique.

1 commentaire:

  1. Bonjour Francis Jacq,

    J'aurais bien aimé avoir les sources de vos explications qui sont, au passage, claires et cohérentes.

    Je réalise un travail de fin d'étude sur la gestion des compétences. Et je ne peux citer comme références des articles ou passages issus de la littérature scientifique...

    Bien à toi.

    Soufian

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